Une partie non négligeable des Français a du mal à se déplacer ou ressent les effets de son budget sur sa mobilité. Qu’est-ce qui motive ce comportement ?
La mobilité géographique est souvent soit impossible, soit difficile, soit trop chère par rapport au budget disponible. Depuis le début du XXIe siècle, les connaissances dans ce domaine ont considérablement progressé, ce qui pourrait être mis à profit pour soutenir les politiques publiques actuelles, encore balbutiantes. En effet, la capacité à se déplacer est aujourd’hui bien plus nécessaire qu’hier à l’intégration sociale et économique, à la création de parcours de vie épanouissants et de relations sociales diversifiées. La mobilité est devenue une exigence et non plus une simple préférence personnelle. De nombreuses personnes ne disposent pas des ressources nécessaires ou sont moins bien préparées que d’autres lorsqu’elles sont confrontées à cette tâche.
La mobilité est influencée par l’argent
Enfin, les ressources du ménage – et plus que jamais leur régularité – ont toujours été étroitement liées à la capacité d’une personne à diversifier sa mobilité. La prolifération de la voiture dans les couches les moins aisées de la population a contribué à démocratiser l’utilisation de l’espace à certains égards, mais dans un environnement où la concurrence pour l’emploi s’est intensifiée, cela ne fait que creuser le fossé pour ceux qui n’ont pas de véhicule motorisé ou de permis de conduire.
Naturellement, les activités où les coûts de transport sont associés à d’autres coûts importants – comme les vacances – sont celles qui sont les plus touchées par la dépendance de la mobilité vis-à-vis des ressources. En France, quatre individus sur dix ne partent jamais en vacances, ce qui met en doute le caractère partagé de la culture des loisirs qui se développe. Ce pourcentage augmente à 60 % chez les chômeurs et ceux qui vivent dans les 10 % de familles les plus modestes, et il diminue à 10 % chez ceux qui vivent dans les 10 % de ménages les plus riches. Il n’est pas très surprenant que le niveau de vie joue un rôle dans les voyages de loisirs à longue distance. Cependant, il est également crucial pour les voyages réguliers. 4 400 euros correspondent à environ un tiers du salaire minimum annuel (par voiture, par an).
Il est vrai qu’il existe une grande latitude dans le montant consacré à la motorisation, notamment en limitant les déplacements. Les frais de demande de permis de conduire, le prix de la voiture et le coût fixe de l’assurance servent de « barrières à l’entrée » pour l’accès à la mobilité automobile, mais le coût d’une réparation imprévue et coûteuse peut être un facteur dans la décision de renoncer à cette mobilité. Au bas de l’échelle sociale, en plus des connaissances nécessaires pour accéder à une voiture, il y a des obstacles financiers à franchir pour accéder à une voiture et, si l’on en a déjà une, pour l’entretenir et l’utiliser.
Dans l’Union européenne, les ménages dont les revenus sont inférieurs à 60% du revenu médian représentent 51% des personnes considérées comme pauvres. La situation en France s’écarte fortement de la norme, les ménages pauvres étant moins nombreux que la moyenne à ne pas posséder d’automobile (39 %). Les nouvelles mobilités n’en tirent pas forcément leur épingle du jeu. Cette situation serait favorable si elle ne résultait pas également de l’insuffisance des possibilités de transport public (seuls 22 % des Français y ont accès, contre 13 % dans les pays nordiques et 15 % en Grande-Bretagne), des possibilités nettement moindres d’utiliser des bicyclettes et des cyclomoteurs, et du fait que les ménages à faible revenu consacrent une part disproportionnée de leur budget à la voiture.